La planification

Que l’on débute l’escalade ou que l’on  soit déjà très fort, on a en général, tous envie de progresser, de repousser nos limites, ou encore le besoin de vaincre cette voie, véritable bête noire depuis déjà 2 ans.

Dans un premier temps, le fait de grimper régulièrement, puis d’augmenter le nombre de séances suffit à avoir une progression rapide.

Mais ensuite sauf si vous avez des capacités extraordinaires, pour continuer à progresser il va falloir  structurer votre entraînement, le rendre cohérent. On va alors parler de planification. Sans cela il résulte en général une stagnation de votre niveau ou du moins une progression très lente.

Cette nécessité de planifier ses entraînements pour ne pas stagner, ne se produit pas pour tous au même moment, nous ne sommes pas tous égaux. Certains feront 8a avant de réellement commencer à s’entrainer quand d’autres devront structurer leur séance pour réaliser un 7a.

Normalement après une rapide auto critique vous devriez vite pouvoir vous placer dans la première catégorie (celle qui progresse encore rapidement juste en grimpant) ou la seconde (celle qui va avoir besoin de planifier son entraînement). Si vous êtes de la première catégorie, gardez cet article sous la main il vous servira plus tard. Pour les seconds attachez vos ceintures, on va planifier !

L’intérêt de la planification est double : maximiser les effets de l’entraînement (en ne faisant pas des choses qui entrent en contradiction les une avec les autres et freinent la progression) et atteindre une forme optimale à un instant T (pic de forme).

Je ne vais pas vous le cacher, planifier c’est compliqué et se tenir à sa planif c’est encore pire, même certains grimpeurs de haut niveau ont des difficultés à réaliser cet exercice. Les problématiques sont multiples :

  • Un mauvais diagnostic de départ sur ses points forts et faibles qui conduit à une planification inadaptée (attention le diagnostique de départ ne fait pas partie de cet article pour qu’il ne soit pas trop tentaculaire, un article à ce sujet devrait bientôt voir le jour)
  • Un manque de connaissances scientifiques sur l’organisation d’une planification
  • Des difficultés à se tenir à une planification (ce qui est le signe en général, d’une mauvaise planification, irréaliste ou manquant de souplesse)
  • Des difficultés à faire coïncider le calendrier  civil et planification d’escalade.
  • Des problèmes dans la gestion des pics de forme. (forme arrivant trop tôt ou trop tard, ce qui est particulièrement énervant).

Je me suis donc, depuis plusieurs années, attaché à confectionner un outil de planification qui en plus de s’adapter au plus grand nombre, répond au cahier des charges suivant :

  • Etre très visuel de manière à faciliter la coïncidence entre calendrier civil et d’entrainement et simplifier la construction de la planification.
  • Rendre visuel les incohérences même si l’on a peu de connaissances scientifiques
  • Avoir suffisamment de souplesse pour entretenir la motivation et permettre au grimpeur de se tenir à son programme
  • Permettre une organisation centrée sur l’obtention d’un pic de forme
  • Permettre un retour sur sa pratique afin de la faire évoluer

Voici donc un exemple de planification réalisée à l’aide de cet outil. Il s’agit du début de la planification d’un compétiteur cadet qui a la possibilité de s’entraîner 4 fois par semaines. Son objectif prioritaire est la coupe de France d’Arnas en fin de semaine 16. Une contrainte importante est les 2 semaines de falaise qu’il désire réaliser en S8 et S9.

 Calendrier

Calendrier2

Maintenant rentrons dans le détail de cet outil afin de voir ses subtilités et ses avantages.

Le calendrier

Calendrier 3

J’ai fait le choix d’utiliser la semaine comme unité de base du calendrier. (Pour être plus pointu le microcycle d’entrainement est donc la semaine). Ceci à l’avantage en général de bien s’agencer avec le calendrier civil.

Ligne 1 : Il s’agit d’une légende (département=championnat départementale, CDF=coupe de France, objectif 1 est l’objectif prioritaire du grimpeur sur la période à savoir la coupe de France d’Arnas)

Ligne 3 : découpage en semaine où je fais apparaître les éléments du calendrier civil qui vont influer sur l’entrainement (vacances, exam, stage à l’étranger…)

Ligne 4 : Découpage en semaine où apparaissent les événements spécifiques à l’escalade et les objectifs.

Le découpage de la partie consacrée à la préparation physique

Préparation physique

C’est un découpage arbitraire qui varie en général en fonction du niveau du grimpeur, mais aussi de ses besoins.

Chaque exercice que l’on va proposer doit se classer dans ces catégories.

Les 3 éléments qui semblent indispensables dans toute planification contenant de la préparation physique  sont les doigts, les bras et le gainage.

Vous êtes donc libre de complexifier ou simplifier à votre guise en fonction de vos objectifs et de vos besoins


Fonctionnement des cycles d’entraînement

 

Capture 2

Il s’agit donc d’un cycle d’entrainement (méso cycle composé de 3 microcycles). En l’occurrence il vise le développement de la force maximale isométrique des doigts.

L’histogramme bleu nous renseigne sur le volume d’exercice en fonction de la semaine (S1 le volume est égal à 3, S2 le volume est égal à 2, S3 le volume est égal à 1). Le volume n’est pas égal au nombre de séance par semaine où cet exercice doit être réalisé, mais au volume de cet exercice dans la séance. Exemple en S1 je fais 2 séances de suspension sur les doigts, je fais 3 séries de 3 répétitions. En S3 je fais toujours 2 séances de suspension sur les doigts, mais je ne réalise plus qu’une série de 3 répétitions.

Enfin, la barre de récupération donne le temps de surcompensation (temps au bout duquel les effets de l’entrainement se font sentir) de ce cycle d’entrainement (ici 9 semaines). Evidement quand vous arrivez à vos objectifs la surcompensation doit être à son maximum.

Répartition des séances de grimpe

Répartition séances

Si le haut de notre planification est consacré à la préparation physique, le bas va lui nous renseigner sur le nombre de séances spécifiques, leur type et leur intensité en fonction des semaines.

Exemple en semaine 4 : 2 séances de bloc sont prévues ainsi qu’une séance de rési  courte. La couleur nous renseigne sur le volume de cette séance (ici très important).

Les règles sont les suivantes :

  • diminuer le volume des séances à l’approche des objectifs (attention pas l’intensité)
  • s’approcher de la spécificité de l’objectif.

Les indicateurs

Indicateur

Le but est d’avoir un retour sur sa pratique et les effets de son entraînement. Nous sommes tous différents et ce n’est qu’avec le temps et l’accumulation de ces données que vous en apprendrez plus sur vous et sur la manière dont votre corps répond aux différentes stimulations auxquelles vous l’exposez.

Utilisation de la planification

Une fois votre planification réalisée, vous avez tout ce que vous devez faire dans la semaine. A vous en début de semaine de voir comment vous souhaitez répartir le tout afin de l’accorder au mieux à vos occupations du moment. C’est en cela que cet outil permet de la souplesse et ne fige pas trop vite vos séances.

Voici maintenant des données scientifiques mais aussi lexicales pour bien utiliser cet outil

Terme ou abréviation Définition
Séance de bloc Dans mon organisation une séance de bloc est une séance de force maximale.Il faut donc réaliser ou travailler au cours de cette séance des blocs les plus difficiles possibles en faisant des récupérations les plus complètes possibles.
Séance de rési courte Séance où l’on réalise des voies ou des circuits qui comportent entre 10 et 20 mouvements.
Séance de rési longue Séance où l’on réalise des voies ou des circuits qui comportent entre 20 et 45 mouvements.
Séance de volume de bloc Séance où l’on effectue des blocs d’affilée sans récupération ou avec une récupération incomplète.
Séance de volume Séance qui vise à augmenter le nombre de voies que vous êtes capable de réaliser dans la séance. On réalise un travail sous maximal en rési longue avec des récupérations incomplètes.
Concentrique Effort musculaire où les 2 extrémités du muscle se rapprochent. Exemple pour le biceps une traction.
Isométrique Effort musculaire ou les 2 extrémités du muscle restent à même distance. Exemple pour le biceps un blocage à 90°.
Stato-dynamique C’est un effort concentrique dans lequel on effectue un temps d’arrêt. Exemple pour le biceps une traction au cours de laquelle on effectue un temps d’arrêt de 2 secondes.
R Repos entre les séries
r Repos entre les répétitions
Type d’effort Tache Cycle Récupération
1 séance 1 cycle (3 semaines)
Concentrique max 3 mouvements 3 séances par semaine 2 jours 6 semaines
il ne faut pas pouvoir faire plus de 3 mouvements semaine à volume fort: 3 séries
Série=3 à 1R=10 semaine à volume moyen: 2 séries
Répétition=3 : r=3 semaine à volume faible: 1 série
Iso max 5 à 10s 3 séances par semaine 4 jours 9 semaines
il ne faut pas pouvoir tenir plus de 5 à 10s semaine à volume fort: 3 séries
Série=3R=10 semaine à volume moyen: 2 séries
Répétition=3 : r=3 semaine à volume faible: 1 série
Iso totale 30s à 1m30 3 séances par semaine 3 jours 6 semaines
il ne faut pas pouvoir tenir plus de 30s à 1m30s semaine à volume fort: 3 séries
Série=3R=10 semaine à volume moyen: 2 séries
Répétition=3 : r=5 semaine à volume faible: 1 série
Stato-dynamique 6 mouvements 3 séances par semaine immédiat immédiat
temps d’arrêt de 2 secondes dans le mouvement semaine à volume fort: 3 séries
Série=3R=10 semaine à volume moyen: 2 séries
Répétition=3 : r=5 semaine à volume faible: 1 série

Règles de planifications

Voici quelques règles qu’il est essentiel de respecter quand vous allez effectuer votre planification :

  • Eviter d’alterner des phases d’entraînement très intenses et de longues périodes d’inactivité.
  • Ne pas vouloir tout entraîner, il faut faire des choix
  • Ne pas se faire suivre certaines séances très éprouvantes
  • Envisager le développement de la force en état de fraîcheur
  • Ménager des temps de repos dans la semaine

Conclusion

L’outil que je vous ai présenté est à mon sens très modulable. Si vous en avez l’envie et un peu de bon sens, il vous permettra de réaliser une planification adaptée à vos besoins. Il ne faut pas hésiter à le modifier et à se l’approprier afin de l’adapter à son niveau, son nombre de séances par semaine et ses objectifs.

J’espère que cet article vous aura été utile, n’hésitez pas à consulter les autres articles sur l’entrainement afin de savoir quoi mettre dans cette fameuse planification.

Bibliographie

Livres:

Reiss D et Prévost P « La bible de la préparation physique  »

Broussal A, Derval et Bolliet O « la préparation physique moderne »

Guyon L et Broussouloux O « Escalade et performance »

Wilmore et Costill « physiologie du sport et de l’exercice »

Sites et articles internet :

http://www.thomas-ferry.fr/

http://expertise-performance.u-bourgogne.fr/telechargement.htm

12 comments on “La planification

  1. J’ai suivi d’autres méthodes mais comme tu l’as bien dit, celle ci semble modulable et bien intéressant..
    Je commence mon entraînement et dans doute je vais la tester, mais adapté au bloc…
    Merci Ced et Marine 🙂

  2. Clair et bien expliqué. Pour un article plutôt divulgatif il manque un point, qui est probablement laissé en sous-entendu : la 1ère étape est la définition des objectifs!
    Si pour un compétiteur c’est peut être plus facile car les calendriers imposent des contraintes, l’affaire se fait plus compliqué pour ceux qui grimpent « pour eux memes » tout en recherchant la performance, surtout si c’est des grimpeurs polyvalents…dans ce cas il faut savoir trancher, surtout pendant certaines saisons (l’été, on veut être en forme à céuze, à magic wood ou en grande voie à cham? l’hiver, le vrai objectif c’est les blocs proche de la maison ou le trip falaise en catalogne?)

    verticalement,
    g

    1. Heureux que cela te plaise Stéphane.

      Pour répondre à ta question:
      -Je place l’iso max au début car son temps de surcompensation est plus élevé, en ajoutant après d’autre cycle au temps de surcompensation plus court j’espère faire un cumule de surcompensation.
      -L’isométrie n’est pas non plus très bonne pour les coordinations inters musculaires, elle a donc tendance à faire régresser techniquement, je préfère donc qu’elle soit loin des échéances.
      -Mais cette planification est un exemple il y a possibilité de faire autrement et de placer l’iso max à un autre moment, à chacun de construire son protocole.

  3. Merci pour ce doc fort stimulant. J’aurais une question concernant la manière de panacher la prépa physique et la grimpe: Dans l’article tu prends comme support d’illustration le cas d’un cadet ayant la possibilité de s’entraîner 4 fois par semaine. Côté grimpe, il a 3 séances d’intensités variées selon les semaines ; côté prépa, tu mentionnes aussi 2 séances par type d’exercice, ce qui amène à penser que certaines séances comporteraient de la grimpe et des exercices physiques ?

    Peux-tu donner ton point de vue sur le panachage, et les durées typiques des séances, en grimpe et prépa (et échauffement préalable) qui correspondraient aux poids respectif de 1 et 2,5 que tu donnes aux unités de travail en prépa et en grimpe ?

    1. Tu poses de bonnes questions Terminus et je crains de ne pouvoir te donner que des réponses partielles.
      En effet dans le cadre de l’exemple les contraintes du jeune vont nous obliger à mixer prépa physique et grimpe. Avec des grimpeurs pouvant s’entraîner plus régulièrement nous pourrions imaginer de dissocier ces séances pour en maximiser les effets.

      Dans le cas de séance mixte, je vais te dire ce que je fais pour une séance type : 30 minutes d’échauffement, 1h de prépa physique, 1h de grimpe. (Je tiens à cet ordre).

      Pour ce qui est du poids que j’attribue aux séances je le mesure de la façon suivante: pour la prépa physique (chaque série=1) pour la grimpe (c’est 1 pour la séance multiplier soit par 2, 2.5 ou 3 en fonction du volume). C’est subjectif mais ça me semble assez en relation avec la fatigue ressentie.

      J’espère t’avoir éclairé.

  4. Bonjour,

    pouvez-vous nous donner des exercices concernant chaque groupe travaillé (bras, dorsaux, gainage) car quand on travaille « les bras » souvent les dorsaux interviennent?

    Merci pour ce site très complet!

    1. L’article gainage arrive dans les jours à venir ! Mais de toute façon ce n’est pas mauvais que tes dorsaux interviennent dans un exercice de bras car quand tu grimpes c’est ce qu’il se passe, ainsi tu travailles spécifiquement des exercices liés à la grimpe!

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