Préparation mentale : les routines au service de la performance

        Nous avons tous en tête un projet qui nous fait nous ronger les ongles. Vecteur de nombreux échecs, chute sur la même prise à quelques mouvements de la fin d’une voie ou aux portes de la finale, il en découle la sensation qu’il nous manque ce petit je ne sais quoi qui nous empêche de faire mieux. Résultat : chaque essai nous mine un peu plus le moral. Le stress et l’angoisse nous envahissent un peu plus  et au final, on se dit que cette fois c’est trop dur, qu’on n’y arrivera jamais ! C’est face à ce constat que je me suis tournée vers la préparation mentale.

Coupe de France de Chambery - Détermination
Coupe de France de Chambéry – Détermination

La préparation mentale qu’est ce que c’est ?

          Pour aborder ce sujet, j’ai commencé à me renseigner sur ce qui se fait dans les autres sports. Ancienne étudiante en STAPS, c’est en échangeant auprès de mes amis que je me suis rendue compte que la préparation mentale est souvent perçue comme une science mystique réservée « aux autres », qui ne fonctionne que parce que l’on veut bien y croire. Ayant moi-même vécu l’expérience de la préparation mentale, je ne partage pas du tout cet avis.

Coupe de France de Chambéry - Rester dans sa bulle
Coupe de France de Chambéry – Concentration

          La préparation mentale, ce n’est pas une formule magique qui va débloquer des choses et vous faire réussir un projet en 9a du jour au lendemain. C’est un processus long et lent sur soi-même qui je pense est compliqué (impossible ?) à réaliser seul.

Comment se préparer mentalement ?

      Dans un premier temps, l’important dans cette démarche est qu’elle soit volontaire. Pour « s’auto-décortiquer » le cerveau, il faut que l’athlète soit près.

          La prépa mentale est totalement liée à votre niveau physique/technique et va seulement permettre de vous exprimer pleinement dans les limites de ces dernières. Ainsi ce n’est pas parce que vous avez un mental de guerrier(e) que vous allez sortir un 9a, il faut quand même le physique et la technique qui vont avec.

Pourquoi pratiquer la préparation mentale ?

          Souvent, on voit des grimpeurs qui n’arrivent pas à s’exprimer en compétition et qui grimpent bien en dessous de leur niveau.  Inversement, il y a ceux que vous explosez à l’entraînement mais qui vous mettent la misère en compétition (les chanceux !).  La préparation mentale aide à faire partie de la deuxième catégorie et même pour ceux qui en font déjà partie pourquoi ne pas améliorer encore vos performances ou les réaliser avec plus de régularité.

Pour qui ?

           La préparation mentale n’est pas réservée aux compétiteurs. Elle aide également en falaise quand l’on tombe pour le 20ème fois à deux mouvements de la fin et qu’il ne reste qu’un jour pour sortir la voie. Il faut pouvoir supporter la pression quand on tombe en ayant tout donné les 20 premières fois et se rendre à l’évidence que si ça croîte à l’essai d’après, c’est que l’on n’avait pas réellement tout donné dans les précédents. Alors d’où nous viennent ces « cartouches secrètes » ?

S’entraîner globalement
S’entraîner globalement

            Je vais dans cet article vous présenter mon expérience personnelle de grimpeuse car étant très sceptique sur ce sujet à la base, j’ai dû l’apprivoiser pour en faire mon allié.

          Personnellement, je diviserai la préparation mentale en 2 branches. La première est plus de l’ordre de l’optimisation, mettre toutes les chances de son côté, se créer des routines, des pensées positives, parades aux pensées néfastes… La seconde est plus profonde : c’est la résolution de problèmes, blocages, qui se fait le plus souvent accompagnée par un professionnel (psychologue-préparateur mentale). N’étant pas professionnel, je vais vous parler de la première option que vous êtes tous en mesure de mettre en œuvre.

Optimiser sa préparation :

        En prépa mentale il faut déjà mettre toutes les chances de son côté. J’aime bien la notion de « se sentir prêt » et c’est là la clef : il faut avoir tout mis en place pour se sentir prêt.

Positiver
Positiver

           Comme beaucoup de monde, avant et pendant une compétition je suis stressée (et c’est peu de le dire). Chacun a sa manière d’aborder cette étape. Certains le prennent en rigolant (chanceux) tandis que d’autres se font des cheveux blancs.

Chacun son stress mais tous le même combat !

            Pour moi, le matin d’une compétition importante, je me réveille au taquet souvent avant le réveil, remontée comme une pendule ! Ensuite il faut passer à l’étape du petit déjeuner où j’ai toujours beaucoup de mal à avaler quelque chose (mais je me force). Je me concentre ensuite sur tout ce qui se rapporte à ma grimpe, mon échauffement, mon matériel et je l’avoue je suis souvent très désagréable et peu bavarde.

             Bref le stress pour moi c’est cela  et pour chacun il aura des effets différents. Pour moi l’idée principale est de l’accepter, de le dompter sans essayer de le rejeter. Maintenant que c’est dit, c’est une autre paire de manche de l’appliquer !

Championnat d'Europe universitaire - Concentration
Championnat d’Europe universitaire – Accepter son stress

        Pour commencer, il faut éviter toutes les phrases négatives « je suis trop stressée », « il ne faut pas que je stresse » qui font elles-mêmes énormément monter votre niveau de stress. C’est comme  se dire de ne pas imaginer un éléphant c’est le meilleur moyen pour l’imaginer. Il faut donc être positif, se parler de manière encourageante en se répétant des petits mots ou phrases qui vont booster notre mental « allez », « donne tout », « jusqu’en haut », « je suis prêt(e) » …

         L’idéal est de préparer ces phrases pour qu’elles deviennent des parades à vos « démons ». Je m’explique : si votre peur est de décevoir les autres, votre parade peut être « personne ne t’en voudra ». Si vous avez peur d’un adversaire : « je l’ai déjà battu », « je suis plus fort(e) que d’habitude ». Tout ce dialogue interne doit être positif pour permettre d’accepter le stress et de l’amadouer pour qu’il devienne une sorte d’adrénaline.

Open de France d'Arnas - Ne jamais rien lâcher
Open de France d’Arnas – Ne jamais rien lâcher

Les routines : 

       Pour se sentir prêt à l’approche d’une échéance, les routines, qui font office de repères, vont vous permettre de diminuer le doute, de vous rassurer et de vous concentrer. Les routines doivent être propres à chacun afin qu’elles vous permettent d’être prêt(e). Faire attention à manger équilibré la semaine avant la compétition, se coucher tôt, préparer son trajet à l’avance… cela permet de faire monter progressivement le niveau de stress tout en gardant le contrôle, ces routines préparent votre cerveau à la suite. C’est comme un échauffement qui vous prépare à l’effort. Si vous plongez votre cerveau directement face un stress trop important, il est plus difficile de le gérer.

           Les routines ne sont pas là pour nous rassurer, comme pourrait le faire, une paire de chaussettes fétiches qui gagne tout le temps. Il s’agit d’une réelle préparation qui permet de gérer son niveau d’adrénaline pour qu’il soit idéal au moment du run ultime ! Le repas de la veille et/ou du matin a aussi son importance, le fait de se sentir ballonné (ou le ventre prêt à exploser) peut semer des doutes et donc faire monter votre stress de manière non contrôlée. Ce sont tous ces détails qui vont permettre de mettre toutes les chances de votre côté autant d’un point de vue tactique que mental afin que le doute ne soit plus permis et que vous puissiez tout donner sans vous poser aucune question !

Exemple d’une routine :

  • Soigner son alimentation et son sommeil la semaine précédant l’échéance
  • Préparer son trajet à l’avance
  • Préparer ses affaires à l’avance (permet de se concentrer, d’entrer progressivement dans la compétition)
  • Bien remplir son sac à pof
  • Manger léger avant et pendant la compète (plus que manger léger, l’idéal et de manger un repas habituel « qui passe bien » et qui nous fait plaisir) cf. article sur la nutrition à venir
  • Bien essuyer ses chaussons avant de grimper et les essuyer à nouveau juste devant la voie
  • S’étirer la veille ou le jour même (pour moi c’est même 2/3 étirements quelques secondes avant juste pour me détendre)
  • Échauffement : avoir des habitudes d’échauffement, des temps précis qui permettent de ne pas laisser place à l’imprévu.
Coupe de France de Ballée - Tout donner
Coupe de France de Ballée – Tout donner

     Cet exemple de routine est à personnaliser pour chacun. La routine va vous permettre de vous sentir de plus en plus prêt à chaque échéance mais elle peut également être reproduite en partie ou entièrement à l’entraînement. Il est même essentiel de la tester et de l’automatiser avant le jour J, il serait dommage de vous rendre compte qu’elle vous fait monter un stress impossible à gérer, car croyez en mon expérience ça peut arriver. Donc une fois votre routine testée, votre cerveau va petit à petit l’assimiler et comprendre les stratégies qu’il doit mettre en place pour optimiser votre performance. Elle va vous permettre d’élever votre niveau de concentration à un moment donné.

Championnat d'Europe universitaire - Rester lucide
Championnat d’Europe universitaire – Rester lucide

        J’ai moi-même testé toutes ces astuces après de nombreuses discussions avec ma préparatrice mentale. Elles doivent être personnalisées pour pouvoir fonctionner. Il faut surtout s’écouter, se faire confiance, accepter notre manière de réagir et s’y adapter. Nous réagissons tous différemment et c’est aussi ce qui fait la beauté et la complexité du sport. Alors acceptez-vous tel que vous êtes (avec ou sans la traction à un bras ;-)).


Bibliographie

http://www.preparationmentale.fr/wp-content/uploads/2014/09/09-les-routines-de-concentration-E.-Rosnet.pdf

http://www.preparationmentale.fr/

https://www.youtube.com/watch?v=OX7Qyrd5tLI

https://www.youtube.com/watch?v=bQPJugyIDho

Photos : Sheila Farrell McCarron, Grimpo, PlanetgrimpeOborzynski Photography. Merci à eux.

Article à venir : le dialogue interne, l’imagerie mentale

3 comments on “Préparation mentale : les routines au service de la performance

  1. Bravo, bel article!

    Avec modestie je peux suggérer une piste à explorer, peut être plus facile à mettre en place en falaise qu’en compétition. Il arrive par hasard de découvrir qu’un certain événement aide à trouver le bon état d’activation. On peut par la suite essayer de récréer cette situation « artificiellement ».

    Exemple: ayant fait mes premières croix après travail dans des falaises très fréquentées, j’ai une certaine familiarité avec le bavardage au pied de la voie entre grimpeurs presque inconnus (échange des méthodes, négociations sur l’ordre des essais de chacun, etc). J’ai par la suite remarqué que dans une falaise vide, surtout avec un assureur trop sérieux et respectueux du silence, je suis un peu freiné…
    Depuis, je recherche systématiquement un peu de conversation et de déconne avant mes essais importants, lors d’un petit contest, ou d’une épreuve (test d’entrée de mon be, il ya qq années). Et ça marche!

    A chacun de trouver sa situation-type…

    ps
    petit sondage.
    combien d’entre nous enfilent systématiquement les chaussons dans le même ordre? (p.ex. gauche-droite) 😀

Laisser un commentaire