Cet article a donc pour objet le développement des capacités de force des muscles fléchisseurs des doigts.
Ce thème est central dans l’entrainement en escalade car il fait la particularité de notre sport. Il a donc déjà été maintes fois développé. Notre objectif ne sera donc pas de répéter ce qui a déjà été dit mais d’essayer d’approfondir le sujet, de faire des choix argumentés et finalement de proposer des protocoles d’entrainements cohérents.
La question est donc posée : Comment développer la force maximale des doigts ?
Premier constat le développement de la force induit d’exercer des contraintes importantes sur une structure anatomique (le doigt) qui n’a malheureusement pas été prévu pour cet usage. La structure anatomique du doigt réduit donc considérablement le champ des possibles en termes de musculation car elle rend extrêmement dangereux tout travail concentrique ou excentrique du muscle (ne vous y amusez pas, la rupture de poulie vous guette ; croyez-moi j’ai déjà testé pour vous).
Nous n’envisagerons donc l’amélioration des capacités de force des fléchisseurs des doigts que par des exercices isométriques (on parle d’exercice isométrique quand les points d’insertions musculaires restent à distance fixe, il n’y a alors aucun mouvement. Exemple pour le biceps un blocage à 1 bras a 90°).
Pour l’instant, nous n’avons rien inventé je vous l’accorde. Les suspensions sont déjà largement utilisées dans l’entrainement des grimpeurs. Il va donc falloir dépasser ce simple constat pour aller plus loin.
A ce stade nous avons à mon sens besoin d’un petit apport scientifique concernant le travail isométrique. Au moins que l’on sache si ce dernier a une réelle efficacité dans le travail de la force. Je vous rassure tout de suite vous n’avez pas fait des heures de suspension pour rien ; il est efficace.
Mais ! Et il y a un mais de taille. Toutes les études sérieuses qui ont été menées concernant le travail isométrique ont montré que les gains de force enregistrés ne le sont que sur l’angle de travail où ont été réalisés les exercices. En d’autres termes, si vous travaillez vos suspensions en tendu vous ne progressez qu’en tendu, si vous travaillez en arqué vous ne progressez qu’en arqué…
Une question se pose alors : quel est l’angle de travail à privilégier au regard des types de préhensions utilisées actuellement par les grimpeurs? Pour y répondre j’ai étudié les préhensions utilisées par les grimpeurs de difficulté en compétions (les propositions faites dans la suite de cet article les concerneront donc directement ainsi que les personnes ayant une forme de pratique proche de cette dernière).
Les résultats sont les suivants :
Prises utilisées par les compétiteurs en | |||||
Tendue | Arquée | Semi -arquée | Pince | Plat | |
Préhensions | 9% | 26% | 28% | 24% | 13% |
Pour mieux comprendre les enjeux de ce tableau il est temps je pense de faire une analyse biomécanique de ces préhensions pour savoir ce qui constitue leurs particularités.
Ce schéma permet de mieux comprendre les explications données ci-dessous.
Description : La flexion des doigts ne se fait que sur la dernière phalange (P3). Le pouce reste libre et n’effectue aucune action.
Muscles principaux mis en jeu : fléchisseurs profonds des doigts.
Avantages / désavantages: C’est la position la plus économique et la moins traumatisante. Malheureusement c’est aussi la plus aléatoire, en effet c’est la plus difficile à maintenir quand on est en mouvement.
Description : Les doigts sont en flexion au niveau de P2 et P1. Le pouce vient se placer sur les autres doigts, il applique donc sa force dans le même sens que les doigts.
Muscle principaux mis en jeu : les fléchisseurs superficiels des doigts et le fléchisseur du pouce.
Avantages / désavantages : Cette position permet de développer un maximum de force sur la prise par l’action conjointe des doigts et du pouce. Plus stable que la tendu, mais moins stable que la semi -arquée. Les muscles mis en jeu sont les mêmes qu’en semi- arquée. Cette forme de préhension est assez traumatisante.
Description : Doigts en flexion surtout en P2. Le pouce vient se placer sous la prise en exerçant une force opposée à celle des fléchisseurs (action de pince).
Muscle principaux mis en jeu : les fléchisseurs superficiels des doigts, et le fléchisseur du pouce.
Avantages / désavantages : Le fait de pincer la prise rend cette tenue très stable notamment en dévers. Mais elle semble assez couteuse d’un point de vue énergétique.
Description : Doigts en flexion surtout en P2. Le pouce vient se placer à l’opposé des autres doigts et exercer une force opposé à celle des fléchisseurs (action de pince).
Muscle principaux mis en jeu : les fléchisseurs superficiels des doigts, et le fléchisseur du pouce.
Avantages / désavantages : Le fait de pincer la prise rend cette tenue très stable notamment en dévers. Mais elle semble assez couteuse d’un point de vue énergétique.
…
…
Plat
Description : La main, pouce compris est à plat sur la préhension
Muscles principaux mis en jeu : Fléchisseurs du poignet
Avantages / désavantages : ce ne sont pas les fléchisseurs des doigts qui sont utilisés de façon majoritaire. Cette préhension permet de tenir un type de prise bien spécifique.
Cette analyse des préhensions met en lumière plusieurs éléments qui vont nous permettre d’orienter et d’effectuer des choix dans notre protocole d’entrainement.
Premier constat : en tendu, arqué et semi arqué la contraction musculaire des fléchisseurs des doigts ne se fait pas au même angle et ne mettent pas en jeu les mêmes muscles. Il est donc dans la théorie impossible de travailler les 3 formes de préhension avec un même exercice.
Second constat : les plats ne mettent pas réellement en jeu les muscle fléchisseurs des doigts mais d’avantages ceux des poignets leur entrainement doit donc s’envisager de manière indépendante et n’a pas sa place dans cet article étant donné qu’il est orienté sur le développement de la force des fléchisseurs des doigts.
Troisième constat les préhensions en pince et en semi- arqué sont extrêmement proches l’une de l’autre. L’entrainement de ces 2 capacités doit donc pouvoir s’envisager de manière conjointe.
Si l’on en revient à notre tableau révélant les préhensions utilisées et que l’on regroupe pince et semi arqué car nous les jugeons très proches nous arrivons au résultat suivant :
Tendue | Arquée | Semi- arquée +Pince | Plat | |
Préhensions | 9% | 26% | 52% | 13% |
Apres cette analyse le couple semi-arquée / pince semble être ultra prioritaire dans l’entrainement du grimpeur de difficulté.
Nous allons donc ici même développer une méthodologie dans le but de développer la force des fléchisseurs des doigts dans ce type de configuration.
Propositions d’exercices :
Suspension en semi-arquée
Description de l’exercice : La suspension se fait à 1 ou 2 mains, il ne faut pas pourvoir tenir la prise plus de 10 secondes et pas moins de 3. La préhension se réalise en semi- arquée, l’indicateur pour être sûr de bien être en semi -arquée est le placement du pouce. Il doit venir se placer sous la prise et effectuer un mouvement de pince.
Série : entre 1 et 3 en fonction de votre planification
Répétition : 3
Temps de récupération entre les séries : 8 minutes
Temps de récupération entre les répétitions : 2 minutes
Suspension en pince
Description de l’exercice : se suspendre à 2 mains en pince, il ne faut pas pourvoir tenir la prise plus de 10 secondes et pas moins de 3 (pour régler cela la seule solution semble être de se charger ou se délester). Les bras doivent rester tendus de manière à ne pas pouvoir effectuer de mouvement de compression.
Série : entre 1 et 3 en fonction de votre planification
Répétition : 3
Temps de récupération entre les séries : 8 minutes
Temps de récupération entre les répétitions : 2 minutes
Pan de Gullich en semi-arquée
Description de l’exercice : Monter sur un pan de Gullich très incliné (environ 45°). Les lattes doivent être saisies en semi- arquée (le pouce doit pincer sous la préhension). Il faut essayer de sauter le plus de lattes possibles. La préhension en semi- arquée prend alors tout son sens en permettant de contrôler les mouvements parasites.
Série : entre 1 et 3 en fonction de votre planification
Répétition : 3
Temps de récupération entre les séries : 8 minutes
Temps de récupération entre les répétitions : 2 minutes
Evidement il n’est en aucun cas question de supprimer tout exercice en tendu, plat… Mais il nous semblait important dans cet article de délimiter un cadre et de fixer des objectifs prioritaires en relation avec le thème et le public choisi.
Voila j’espère que cet article vous aura été utile, n’hésitez pas à commenter et à poser des questions je me ferai un plaisir d’y répondre dans la mesure du possible.
Voici une liste de sites pour approfondir ce sujet :
http://www.anatomie-humaine.com/Tableau-de-synthese-les-muscles-du.html?id_document=221
http://fr.wikipedia.org/wiki/Muscle_fl%C3%A9chisseur_superficiel_des_doigts
http://www.clubortho.fr/cariboost_files/cours_20biomecanique_20main_20GV.pdf
http://fr.wikipedia.org/wiki/Muscle_fl%C3%A9chisseur_profond_des_doigts
http://www.secours-montagne.fr/IMG/pdf/Escalade_Richon.pdf
http://www.anatomie-humaine.com/Tableau-de-synthese-les-muscles-de.html
J’aime bien ce que vous avez fait, merci.
Coucou Marine,
Merci pour ton article hâte de mettre en pratique 🙂
En espérant que tout va bien pour toi !
Bises
Merci bien, ça m’a beaucoup aidé